Le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed ben Salman a « validé » l'assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi en 2018, affirment les services de renseignement américains dans un rapport publié vendredi.
« Nous sommes parvenus à la conclusion que le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed ben Salman a validé une opération à Istanbul, en Turquie, pour capturer ou tuer le journaliste saoudien Jamal Khashoggi », écrit la direction du renseignement national dans ce court document déclassifié de quatre pages.
« Le prince héritier considérait Khashoggi comme une menace pour le royaume et plus largement soutenait le recours à des mesures violentes si nécessaire pour le faire taire », ajoute-t-elle.
Le rapport souligne que le prince héritier disposait depuis l'année 2017 d'un « contrôle absolu » des services de renseignement et de sécurité du royaume, « rendant très improbable l'hypothèse que des responsables saoudiens aient pu conduire une telle opération sans le feu vert du prince ».
Les services de renseignement américains supposent par ailleurs que, à l'époque de l'assassinat de Jamal Khashoggi, Mohammed ben Salman faisait régner un climat tel que ses collaborateurs n'osaient vraisemblablement pas remettre en question les ordres reçus, « par crainte d'être renvoyés ou arrêtés ».
Sanctions
Le rapport, tenu jusque-là secret par l'administration Trump, contient une liste d'une vingtaine de personnes impliquées dans l'opération, dont l'ex-numéro deux du renseignement saoudien Ahmed al-Assiri, proche de MBS, et l'ex-conseiller du prince Saoud al-Qahtani, tous deux blanchis par la justice de leur pays.
Le gouvernement américain a annoncé dans la foulée des sanctions financières contre le général Assiri et contre la Force d'intervention rapide, une unité d'élite chargée de la protection du prince, supervisée par le prince Saoud al-Qahtani et présentée par Washington comme étant largement impliquée dans le meurtre.
Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a, lui, interdit d'entrée aux États-Unis 76 Saoudiens, dans le cadre d'une nouvelle règle, baptisée « Khashoggi ban », ou « interdiction Khashoggi », visant toute personne accusée de s'attaquer, au nom des autorités de son pays, à des dissidents ou journalistes à l'étranger. Ce rapport, dit un officiel de la Maison Blanche, a été publié « en l’honneur de Jamal Khasshoggi, pour qu’un crime aussi effroyable ne se reproduise jamais », rapporte Éric de Salve, notre correspondant à San Francisco.
Un recadrage avec Ben Salman
Bien que directement mis en cause, Mohammed ben Salmane ne fait pas partie des personnes sanctionnées. « Les États-Unis n'imposent généralement pas de sanctions aux plus hauts dirigeants de pays avec lesquels ils entretiennent des relations diplomatiques », a justifié le département d'État.
Le président Biden veut « recalibrer » les relations avec Riyad : il a fait savoir qu'il ne parlera personnellement qu'avec le roi Salmane et non avec son fils, interlocuteur privilégié de Donald Trump, il a mis l'accent sur les droits humains, et il a stoppé le soutien américain à la coalition militaire, dirigée par les Saoudiens, qui intervient dans la guerre au Yémen. Mais il ne veut pas de crise ouverte.
Pour David Rigoulet-Roze, chercheur à l'Iris, ces accusations illustrent la défiance de la nouvelle administration américaine vis-à-vis du prince héritier sans remettre en cause les relations entre les deux pays. « Il n'y a pas pour l'instant de mesures spécifiquement engagées à l'endroit du prince héritier. Joe Biden considère qu'il ne peut parler qu'à son homologue, en l'occurrence le roi Salman, et donc il y a une défiance affichée vis-à-vis du prince héritier. Pour autant, il ne s'agit pas de remettre en cause les liens avec le royaume. C'est le fait d'une remise en cause de la personnalisation de la gouvernance saoudienne et avec des attendus incertains. Il est difficile de spéculer. Mais c'est certain que Joe Biden voulait marquer son engagement qui était la publication du rapport mais qui n'apprend pas énormément de choses. »
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